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jeudi 7 août 2014

L’Afrique, des raisons d’espérer

TOURNONS-NOUS vers l’avenir de l’Afrique car il y a des raisons d’être optimiste pour le futur de son développement économique. Comment l’Afrique peut-elle jouer d’un certain nombre de ses ressources? Beaucoup de pays non Africains, qui n’avaient souvent aucune raison historique avec le continent, s’intéressent de plus en plus aux Africains. On peut parler du Japon, de la Chine, de l’Inde, de la Turquie, de certains pays du Golfe, du Brésil, du Maroc.

Tout d’abord, il n’y a pas « une » Afrique, mais « des Afriques »

Il existe plusieurs grands groupes de pays qui se développent à des rythmes différents. Il y a d’abord ceux qui étaient les plus prédisposés (parce que plus préparés) comme l’Afrique du Sud et les pays alentour pour des raisons historiques et pour le peuplement dont ils ont bénéficié ; des pays, par ailleurs,  qui ont été surexploités et convoités pour leurs ressources, comme la RDC-République Démocratique du Congo, qui se trouvent toujours en marge, alors que le potentiel est là. 

Par ailleurs, on assiste à la montée en puissance (tout en nuance) de cet ensemble de pays autour de la Corne de l’Afrique (comme l’Éthiopie) et du Nigeria : l’importance de leur population y est pour beaucoup… mais c’est leur dynamisme presque historique qui les rend encore plus attractifs. Et dans leur pourtour se trouve un ensemble d’autres pays...

Des ressources, des capacités que chaque pays met plus ou moins à profit… l’avenir de l’Afrique dépend de la valorisation des capacités et des potentialités existantes.
Sur le papier, l’Afrique dispose de richesses énormes: des matières premières très convoitées; du bois ; son agriculture; les minerais… on est devant un continent bien doté par la nature. Cela dit, l’Afrique reste un continent peu industrialisé. 

Et d'un autre côté, le problème des potentialités du continent pose celui du regard que l'Occident a souvent porté sur l’Afrique. Que s'est-il passé?
Sur le plan historique, le colonialisme n’a pas mené d’exploration géologique notoire des richesses pétrolières. Ce n’est qu’au beau milieu du XXe siècle que les prospections pétrolières ont révélé les richesses et les potentialités de pays comme le Nigeria, la Somalie, le Sud Soudan ou l’Ouganda.

La conquête de la souveraineté: vers une nouvelle indépendance. 

D’autre part, ces potentialités sont largement exploitées par des intérêts extérieurs aux Africains. Ces derniers doivent se rendre davantage maîtres de ces opportunités pour le bénéfice de leurs populations. Ici l’Afrique se heurte à différents problèmes qu’on convient d’appeler le « syndrome hollandais » (*), comme dans le cas du Nigeria : la région dispose de ressources considérables qui n’ont pas toujours été mis à profit ou au service des populations autochtones. D’où l’émergence de problèmes et de conflits : comme dans le Delta du Niger ou comme celui posé par la secte Boko Haram au Nigeria ; mais aussi la mise au point d’une fiscalité qui s’appuie sur ces ressources (exemples de la Guinée ou de la Zambie, des pays miniers dont les ressources fiscales sont relativement faibles, parce que les grandes sociétés exploitantes pratiquent l’« optimisation fiscale ».)

Sur le plan politique, on ne peut que remarquer la faiblesse endémique de l’État et des structures étatiques, de l’appareil administratif des pouvoirs publics; mais aussi les conflits armés, les facteurs ethniques, religieux sur la bande Saharo-Sahélienne. 

Est-ce une sorte de fatalité politique ?

Sans craindre de généraliser, en Afrique la création des États s’est faite dans la violence –tout autant qu’en Europe, la guerre fut le vecteur de l’émergence de l’État. Le problème en Afrique a été (et reste encore pour beaucoup) l'émergence des régimes politiques sur la base de groupes pas forcément ethniques mais qui s’installent au pouvoir et qui le défendent bec et ongles. Il y a d’abord la répartition des « national cakes », une sorte de kleptocratie. On assiste cependant depuis une vingtaine d’années à la monte en puissance du contrôle de ces régimes de manière démocratique. C’est le cas du Sénégal ou du Botswana, de l’Afrique du Sud; mais aussi celui d’autres pays comme le Bénin ou le Ghana qui n’étaient pas très en avance sur le plan de la bonne gouvernance –ce dernier pays a connu beaucoup de coups d’État et est aujourd’hui présenté comme exemplaire à ce niveau. 

C’est clair, l’Afrique cherche ses marques. Elle sort d’une longue période où la guerre froide l’avait prise comme théâtre de guerres souvent promues par l’extérieur. Aujourd’hui, du moins pour certaines de ses régions, elle est en train de trouver les moyens et les contrôles nécessaires à une meilleure régulation de ses ressources.

Mais l’Afrique ne commerce pas avec elle-même. Les intégrations économiques régionales sont faibles –à l’exception de l’Afrique Australe et de l’Ouest. Un chiffre est exemplaire: la part des échanges intra-africains sur le global était de 14% en 2012. Il n’y a pas assez de « coagulation » économique régionale. Mais au-delà des chiffres officiels, force est de reconnaître que beaucoup des échanges se passent de façon « souterraine »  et que le Fonds Monétaire International ne relève pas ces chiffres-là dans ses statistiques: ainsi va-t-il du commerce informel transfrontalier qui se fait entre populations de groupes culturels de même type. Tout autour de la RDC, des échanges commerciaux importants se font de manière informelle et non enregistrée. La part du commerce informel dans l’Afrique Subsaharienne  est bien plus importante que les statistiques officielles ne veulent le faire croire.  Au Kenya, au Madagascar, en RDC, en RSA, il existe des entreprises qui sont en capacité d’affronter de tels échanges –des supermarchés Sud-Africains  diffusent leur distribution agroalimentaire un peu partout dans l’Afrique Australe.

L’une des priorités de l’Afrique dans les années à venir semble être la formation de cadres politiques, presque d’une infrastructure au sens sociétal du terme, dans des États qui ne sont souvent que des régimes prédateurs d’eux-mêmes. Sans oublier que le processus de scolarisation y est partout imparable… l’effort en l’espace de 30 ans a été énorme. La mise en place de l’enseignement secondaire et supérieur est notoire: aujourd’hui plus de 40% de la population subsaharienne est passée par l’enseignement secondaire. La question aujourd’hui est d’améliorer la qualité de cet enseignement pour qu’il réponde mieux aux besoins et aux objectifs et qu’il soit professionnalisé pour que la fuite des cerveaux cesse. C’est d’autant plus fondamental que la croissance démographique y est soutenue. Il y avait 1 milliard d'Africains en 2010. On prévoit que la population du continent dépassera les 2 milliards en 2050. 

On voit l’ampleur des défis.

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(*) La rente tirée de la différence entre le prix de vente et le coût d'exploitation des hydrocarbures peut avoir des effets pervers importants.
Les Pays-Bas l'ont appris à leurs dépens dans les années 70, après que fut découvert et exploité l'important gisement de gaz de Groningue.
Le gonflement soudain des exportations tira vers le haut le taux de change de la devise néerlandaise, réduisant d'autant la compétitivité internationale des produits locaux.
D'où le terme de « syndrome hollandais » (dutch disease) donné à ce revers de la médaille, qui entraîna une désindustrialisation conséquente du pays. 

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