Tout d’abord, il n’y a pas « une » Afrique, mais « des
Afriques »
Il existe plusieurs grands groupes de pays qui se
développent à des rythmes différents. Il y a d’abord ceux qui étaient les plus prédisposés
(parce que plus préparés) comme l’Afrique du Sud et les pays alentour pour des
raisons historiques et pour le peuplement dont ils ont bénéficié ; des
pays, par ailleurs, qui ont été
surexploités et convoités pour leurs ressources, comme la RDC-République Démocratique du Congo, qui se trouvent
toujours en marge, alors que le potentiel est là.
Par ailleurs, on assiste à la montée en puissance (tout en
nuance) de cet ensemble de pays autour de la Corne de l’Afrique (comme l’Éthiopie)
et du Nigeria : l’importance de leur population y est pour beaucoup… mais
c’est leur dynamisme presque historique qui les rend encore plus attractifs. Et dans leur pourtour se trouve un ensemble d’autres pays...
Des ressources, des capacités que chaque pays met plus ou
moins à profit… l’avenir de l’Afrique dépend de la valorisation des capacités et
des potentialités existantes.
Sur le papier, l’Afrique dispose de richesses énormes: des
matières premières très convoitées; du bois ; son agriculture; les
minerais… on est devant un continent bien doté par la nature. Cela dit, l’Afrique reste
un continent peu industrialisé.
Et d'un autre côté, le problème des potentialités du continent pose celui du regard que l'Occident a souvent porté sur l’Afrique. Que s'est-il passé?
Sur le plan historique, le colonialisme n’a pas mené d’exploration géologique notoire des
richesses pétrolières. Ce n’est qu’au beau milieu du XXe siècle que les prospections
pétrolières ont révélé les richesses et les potentialités de pays comme le Nigeria, la Somalie, le Sud Soudan ou l’Ouganda.
La conquête de la souveraineté:
vers une nouvelle indépendance.
D’autre part, ces potentialités sont largement exploitées
par des intérêts extérieurs aux Africains. Ces derniers doivent se rendre
davantage maîtres de ces opportunités pour le bénéfice de leurs populations. Ici
l’Afrique se heurte à différents problèmes qu’on convient d’appeler le « syndrome
hollandais » (*), comme dans le cas du Nigeria : la région dispose de
ressources considérables qui n’ont pas toujours été mis à profit ou au service
des populations autochtones. D’où l’émergence de problèmes et de conflits :
comme dans le Delta du Niger ou comme celui posé par la secte Boko Haram au Nigeria ; mais aussi la mise au point d’une fiscalité qui s’appuie sur ces
ressources (exemples de la Guinée ou de la Zambie, des pays miniers dont les
ressources fiscales sont relativement faibles, parce que les grandes sociétés exploitantes
pratiquent l’« optimisation fiscale ».)
Sur le plan politique, on ne peut que remarquer la faiblesse
endémique de l’État et des structures étatiques, de l’appareil administratif
des pouvoirs publics; mais aussi les conflits armés, les facteurs
ethniques, religieux sur la bande Saharo-Sahélienne.
Est-ce une sorte de
fatalité politique ?
Sans craindre de généraliser, en Afrique la création des États s’est faite dans la violence –tout autant qu’en Europe, la guerre fut le
vecteur de l’émergence de l’État. Le problème en Afrique a été (et reste encore pour beaucoup) l'émergence des régimes politiques sur la base de groupes pas forcément ethniques mais qui
s’installent au pouvoir et qui le défendent bec et ongles. Il y a d’abord la répartition des « national cakes », une sorte
de kleptocratie. On assiste cependant depuis une vingtaine d’années à la monte en puissance du
contrôle de ces régimes de manière démocratique. C’est le
cas du Sénégal ou du Botswana, de l’Afrique du Sud; mais aussi celui d’autres pays comme le Bénin ou
le Ghana qui n’étaient pas très en avance sur le plan de la bonne gouvernance –ce dernier pays a connu beaucoup de
coups d’État et est aujourd’hui présenté comme exemplaire à ce niveau.
C’est clair, l’Afrique cherche ses marques. Elle sort d’une longue
période où la guerre froide l’avait prise comme théâtre de guerres souvent
promues par l’extérieur. Aujourd’hui, du moins pour certaines de ses régions, elle est
en train de trouver les moyens et les contrôles nécessaires à une meilleure
régulation de ses ressources.
Mais l’Afrique ne commerce pas avec elle-même. Les
intégrations économiques régionales sont faibles –à l’exception de l’Afrique Australe
et de l’Ouest. Un chiffre est exemplaire: la part des échanges intra-africains
sur le global était de 14% en 2012. Il n’y a pas assez de « coagulation »
économique régionale. Mais au-delà des chiffres officiels, force est de
reconnaître que beaucoup des échanges se passent de façon « souterraine »
et que le Fonds Monétaire International
ne relève pas ces chiffres-là dans ses statistiques: ainsi va-t-il du
commerce informel transfrontalier qui se fait entre populations de groupes
culturels de même type. Tout autour de la RDC, des échanges commerciaux
importants se font de manière informelle et non enregistrée. La part du commerce
informel dans l’Afrique Subsaharienne
est bien plus importante que les statistiques officielles ne veulent
le faire croire. Au Kenya, au
Madagascar, en RDC, en RSA, il existe des entreprises qui sont en capacité d’affronter
de tels échanges –des supermarchés Sud-Africains diffusent leur distribution agroalimentaire un
peu partout dans l’Afrique Australe.
L’une des priorités de l’Afrique dans les années à venir
semble être la formation de cadres politiques, presque d’une infrastructure au
sens sociétal du terme, dans des États qui ne sont souvent que des régimes
prédateurs d’eux-mêmes. Sans oublier que le processus de scolarisation y est partout
imparable… l’effort en l’espace de 30 ans a été énorme. La mise en place de l’enseignement
secondaire et supérieur est notoire: aujourd’hui plus de 40% de la
population subsaharienne est passée par l’enseignement secondaire. La question
aujourd’hui est d’améliorer la qualité de cet enseignement pour qu’il réponde
mieux aux besoins et aux objectifs et qu’il soit professionnalisé pour que la
fuite des cerveaux cesse. C’est d’autant plus fondamental
que la croissance démographique y est soutenue. Il y avait 1 milliard d'Africains en 2010. On prévoit que la population du
continent dépassera les 2 milliards en 2050.
On voit l’ampleur des défis.
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(*) La rente tirée de la différence entre le prix de vente et le coût d'exploitation des hydrocarbures peut avoir des effets pervers importants.
Les Pays-Bas l'ont appris à leurs dépens dans les années 70, après que fut découvert et exploité l'important gisement de gaz de Groningue.
Le gonflement soudain des exportations tira vers le haut le taux de change de la devise néerlandaise, réduisant d'autant la compétitivité internationale des produits locaux.
D'où le terme de « syndrome hollandais » (dutch disease) donné à ce revers de la médaille, qui entraîna une désindustrialisation conséquente du pays.
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(*) La rente tirée de la différence entre le prix de vente et le coût d'exploitation des hydrocarbures peut avoir des effets pervers importants.
Les Pays-Bas l'ont appris à leurs dépens dans les années 70, après que fut découvert et exploité l'important gisement de gaz de Groningue.
Le gonflement soudain des exportations tira vers le haut le taux de change de la devise néerlandaise, réduisant d'autant la compétitivité internationale des produits locaux.
D'où le terme de « syndrome hollandais » (dutch disease) donné à ce revers de la médaille, qui entraîna une désindustrialisation conséquente du pays.
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