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mardi 1 mars 2016

There Will Be Blood : Pourquoi la baisse du prix du pétrole est une opportunité

On ne va pas regretter le temps où le litre de SP98 jouait sur la corde des +1.50 EUR, tout de même.

A propos de l’article de Jean-Yves Archer « La baisse du prix du pétrole et ses trois risques: financiers, géopolitiques et écologiques ».

Certains articles me font tancer plus que d’autres. En l'espèce, ce qui ne voulait être qu’un commentaire à l’article, est devenu un article lui-même. Donc acte.

Si, le temps d'une analyse "à chaud", l'on veut bien s'arroger le droit d'être un peu insolent et provocateur ("disruptif" diront certains), on peut avancer quelques arguments pour étayer la bonté de la baisse du prix du pétrole :

1. Cela nous arrange quand la Russie subit une perte de -18% de son PIB (2014-2015) suite à l’effondrement des cours en conséquence de la stratégie des Saoudiens et que ces derniers ne contrôlent plus la situation qu’ils ont créée : cela prouve le manque de profondeur de leur vision stratégique et arrange tout autant le « balance » de nos comptes rudement malmenés pendant 30 ans. Rien ne sera plus comme avant. Il faudra compter avec l’Iran qui devient peu à peu une pièce maitresse géostratégique, même pour nous occidentaux, de plus en plus fréquentable –sans doute plus que l’Arabie Saoudite en ce moment même. Si l’évolution politique Iranienne se confirme il est certain que ce pays deviendra (s’il ne l’est pas déjà) un élément stabilisateur à pas mal d’égards. Et qu'on m'excuse, mais je n’irai tout de même pas m’apitoyer sur le sort de pas mal de gouvernements de la péninsule Arabique, leur avidité tribale et leur inconsistance démocratique –et c'est peu dire.

Et voilà pour les « risques géopolitiques ».

2. C’est tant mieux pour l’écologie. L’exploitation du gaz et du pétrole de schiste n’est pas viable, non seulement aux US –en Europe non plus. L’accélération vers la production de la pile à hydrogène et l’avènement des cumulateurs durables connaitront un développement certain –l'énergie libre et le moteur a eau existent depuis longtemps. D’ailleurs, la réduction de la consommation des moteurs à injection diesel ou essence est bien réelle et antérieure à l’abondance récente de l’offre de brut; et l’amélioration technique  ira de l’avant tant que l’exploitation du pétrole restera viable économiquement. Et même si l’Europe est en crise, jamais le carnet de commandes d’Airbus n’a été aussi plein. Et même si le Japon stagne, Toyota n'en demeure pas moins le premier producteur de voitures mondial. Et même si les US surfent sur la crête des bulles depuis longtemps déjà, le « presque » plein emploi est une réalité là-bas (exploitation fractale du schiste aidant et au prix, il est vrai, de contrats précaires et d’un appauvrissement des classes moyennes, mais cela est également le cas chez nous).

Et pour les risques écologiques la balle est également dans le camp du lobby pro-nucléaire bien installé au pouvoir en France depuis 60 ans mais aujourd’hui vacillant car (quand même !) il y a des doutes quant à la gestion passée, présente et à venir et que les pertes cumulées commencent à être trop visibles. La balle est dans le camp de l’agriculture et élevage intensifs également. Ces deux lobbies (Areva/Edf/Engie et celui de la Fnsea) nous coûtent fort cher aussi… ce sont des segments économiques subventionnés, à mi-chemin entre le canard boiteux et le monolithe corporatiste. L’industrie de l’armement aussi (allez vendre des Raffale ou des Puma sans les prêts syndiqués et les compensations -sous forme de transferts technologiques et partenariats de production- accordées par l’État Français grâce à des montages financiers où l'ont met à contribution les banques françaises et la Coface qui a tendance à garantir au-delà du raisonnable.).

3. L’éclatement des bulles privées est symptomatique de notre système depuis le début des années 1990 et la financiarisation de l’économie. Davantage encore aux US, où les breakdown, les seuils de rentabilité et de profitability ne se mesurent plus en exercices annuels mais en comptes trimestriels au rythme des visu des fonds de placement et des hedge funds qui ont mis la main sur le NYSE et la City –et ce… depuis la fin des années 1990. Il y aura des licenciements bien sûr, mais le ver financier est dans la pomme de l’économie néolibérale nord-américaine. C’est un fait. Cette vision a pu contaminer un jour le Vieux Continent. Plus maintenant. La preuve, on est prêts à laisser partir le Royaume-Uni de l’UE et c’est peut-être mieux (on sera moins nombreux et moins riches, mais bien plus heureux). Aussi, au vu du renflouement des banques par le contribuable suite à la bulle des subprime de 2007 et plus récemment de la crise de la dette Grecque, croyez-vous que les opinions publiques vont devoir accepter allègrement une nouvelle socialisation des pertes ?

Donc, exit les risques financiers. Place à la bulle technologique qui va bientôt éclater

4. Plus grave encore, l’échéance à terme des dettes souveraines. Pas celles que l'on croit : conséquence du mauvais développement, ultrarapide et partiel de pays comme le Brésil –que peut-on espérer sinon la faillite et le défaut de payement ? La fuite en avant ne paye jamais en économie. La chute du Brésil est une disgrâce pour la population de ce pays  bien évidemment et un peu moins pour les insatiables investisseurs Chinois et Occidentaux (qui n'agissent que pour le plus grand bien de leur profit), mais cela n’aura que peu de répercussions au niveau macroéconomique. Car le Brésil, la Russie sont des bulles en soi, des géants aux pieds d’argile. On en a l'habitude. Mais leur modèle n’a pas de sens, il est basé en grand partie sur le clientélisme et la corruption de leurs élites politiques et économiques –et, à la différence de la Grèce, ils ne se trouvent pas à faire partie d’une organisation d’intégration régionale puissante (plus ou moins solidaire) comme l’UE.

A l’autre bout la Chine et l’Inde –dont la conscience est bien plus propre que celle d'Aramco ou de la Standard Oil et leurs sœurs actuelles. La Chine et l’Inde sont donc restées maitres de leurs outils de production et de leur présence commerciale et industrielle sur les marchés. Ce sont ces deux pays/sous-continents/civilisations qui marqueront les développements à venir. Et pas seulement en ce qui touche au futur du pétrole.

*  *  *

Maintenant expliquez-nous pourquoi les prix à la pompe restent chers alors que le cours du pétrole s'effondre?

Réponses possibles...

1. Parce que le pétrole ne représente qu'un tiers du prix: les diverses taxes qui s'appliquent sur les carburants représentent pas moins de 60% du prix à la pompe, quand la matière première, le pétrole, n'en représente qu'un tiers. La marge de distribution tourne, elle, autour de 6%. Du coup, lorsque le cours du pétrole brut s'effondre, ce n'est qu'une petite partie du prix du carburant qui dégringole.

2. Parce que les compagnies pétrolières en profitent: la marge de raffinage est passée de 8 euros la tonne en juin 2014 à 46 euros en janvier 2015, à 59 euros en décembre 2015 et a même connu un pic à 63 euros au mois d'août.

3. Parce que le prix du baril reste, malgré tout, élevé (oui, je suis écolo, mais je soigne mon portefeuille): même si le cours du Brent a largement chuté depuis 18 mois environ, il reste presque quatre fois plus élevé qu'en 1999, où il atteignait seulement les 10 dollars le litre.

4. Parce que la consommation en France ralentit mais pas trop: entre le 1er février 2015 et le 31 janvier 2016, la consommation française de carburants a atteint 50,37 millions de mètres cubes, en hausse de 0,8 % par rapport à la consommation des douze mois mobiles précédents. La part du gazole dans la consommation de carburants reste stable à 81,2 %.

Il n'empêche. Une baisse de 10 à 15% sur un litre de carburant, représente entre 5 et 7,50 euros d'économie sur un plein de 50 litres. Même si le consommateur ne le ressent pas toujours en regardant la pompe, les économies réalisées grâce à un prix du carburant plus bas libèrent des marges de pouvoir d'achat significatives.