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vendredi 1 août 2014

La bombe à retardement des énergies fossiles


S’IL y a un monde aléatoire, c’est bien sûr celui des énergies. Dès le début des années 70 on annonçait la fin du pétrole et donc de la croissance. Ensuite le fameux pic pétrolier régulièrement repoussé. Ne parlons pas des cours du baril avec ses mouvements de yo-yo depuis les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979. 

Dans les années 2000 le gaz naturel liquéfié a suscité des espoirs considérables. On assure aujourd’hui que le pétrole et le gaz de schiste devraient faire des Etats-Unis le premier producteur mondial. Puis d’ici la fin des années 2020, le premier exportateur mondial. La tragédie nucléaire de Fukushima en 2011 a aussitôt bouleversée la donnée énergétique en Europe, au point que l’Allemagne revient au charbon et qu'il n’y aura plus de nucléaire allemand dans huit ans Du coup, l'Allemagne devient le grand pollueur du Vieux Continent. 

Bref, on ne cesse de verser tour à tour ou simultanément dans l’euphorie et dans le catastrophisme… 

Ce qui se passe depuis les années 70 est inquiétant. On considère, d’après l’Association Internationale de l’Energie, que d’ici 2035 l’augmentation globale en sources d’énergie primaires serait de l’ordre du tiers de la consommation actuelle –ce qui correspond à la totalité de la production pétrolière actuelle dans le monde. Cela veut dire que, d’ici 15 ou 20 ans, il faudrait développer de nouvelles capacités de production –de l’ordre de 40 millions de barils par jour de production supplémentaire pour répondre à la consommation, selon l’AIE, cela équivaut à 4 nouvelles Arabie Saoudite… le défi est colossal car la consommation augmente et la production décline. La plupart des gisements ‘matures’ sont dans le déclin. Ainsi l’Algérie n’aura plus de pétrole ni de gaz à exporter dans 15 ou 20 ans ; l’Egypte importe déjà une bonne partie de sa facture de gaz ; l’Indonésie n’est plus depuis longtemps exportatrice, etc.

La responsabilité de tout ceci incombe bien sûr aux pays producteurs, mais aussi aux sociétés pétrolières, aux pays consommateurs et à l’AIE, qui n’ont pas attiré l’attention suffisamment à temps sur ce problème. Au contraire, ils ont tout fait pour rassurer inutilement. Pire encore, on sait très bien maintenant qu’on ne peut pas parler d’énergie sans parler du climat. Les hydrocarbures et les énergies fossiles sont les principaux responsables de la pollution, du gaz à effet de serre. La force de la routine, les intérêts économiques des grandes sociétés pétrolières et l’inertie des pays consommateurs nous ont emmenés vers l’impasse.

Cela dit, depuis l’arrivée du nouveau prévisionniste en chef de l’AIE, Fatih Birol, le discours est devenu un peu plus lucide et alarmiste. Heureusement, mais pas suffisamment. Heureusement, car sur le plan des prévisions à long terme, ils reviennent de loin (on ne peut que constater qu’il est impossible de produire 135 millions de barils par jour ! comme l'AIE le proposait à la fin des années 80). Le président de la BP, Carl-Henric Svanberg, estime que tout cela est nécessaire pour assurer le confort de l’humanité… mais à quel prix, serait-on tenté de lui répondre ? Car British Petroleum est à l’origine de désastres écologiques incommensurables. Svanberg fait semblant de ne pas savoir que ce pétrole qu’on produit est un poison pour la Planète et veut nous faire croire qu’en fin de compte c’est le prix à payer pour atteindre ce confort. On croit rêver.

On est dans une période extrêmement chaotique en termes d’information. Ainsi, aux Etats-Unis, l’exploitation des gisements de gaz de schiste est revue drastiquement à la baisse ; le plus grand foyer d’exploitation en Californie a vu ses réserves réduites de 96%... on est devant une illusion de courte durée. Partout la démagogie revient : on accorde aux populations l’information qu’elles ont envie d’entendre, sans souci des vrais défis, sans courage… et pour assurer une bonne récolte en voix lors des prochaines élections. Pas une fois un président n’a tiré la sonnette d’alarme pour faire prendre conscience du besoin incontournable de réduire la consommation et la production de pétrole. Aucun d’eux n’a osé augmenter les taxes. Et les inconvénients de l’exploitation du gaz de schiste s’accumulent : il y a bien sûr les produits chimiques utilisés pour l’extraction par fracturation hydraulique et la pollution des nappes phréatiques qui s’ensuit ; mais aussi le fait que cette technique oblige à forer continuellement car les gisements sont vite épuisés en 4-5 ans d’exploitation. L’environnement s’en ressent dangereusement, les sous-sols et les nappes phréatiques de certains Etats nord-américains sont sérieusement atteints.

On est face à un ‘paysage’ pétrolier extrêmement préoccupant. Les réserves de pétrole et de gaz s’épuisent, c’est clair. Déclin de la production, épuisement des réserves, vénalité des dirigeants des grandes sociétés pétrolières. Ainsi va la vie, pour 5 barils consommés chaque jour, il y a seulement un baril de ‘découvert’.

Il y a des solutions, d’autres énergies renouvelables –à la différence des énergies fossiles. A lui seul le soleil suffit pour couvrir tous les besoins du monde en énergie, énergie propre et inépuisable qui de plus est. Cela coûte plus cher que l’exploitation pétrolière… et alors ? Cela n’est pas une raison pour ne pas le faire et aller dans cette direction parce que l’alternative on la connaît déjà. Les politiques volontaristes de l’Allemagne et la Norvège éclairent la donne… notamment ce dernier pays industrialisé, producteur de pétrole, mais où la part des énergies renouvelables dans le total de la consommation énergétique est la plus élevée. C’est pareil en Allemagne où une génération d’hommes et femmes politiques a eu le courage de le faire et de mettre un arrêt au cercle vicieux du nucléaire

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